EXPOSITION / ESPACE ÉDOUARD PIGNON / LILLE / 07-04 >> 28-05
Matisse a écrit :
« On n’a qu’une idée, on nait avec ; toute une vie durant on développe son idée, on la fait respirer ».
Si l’on considère le travail d’Eve à l’aune de cette citation, il apparait comme une évidence que c’est l’enfance qui occupe son univers; l’enfance…mais pas que : en effet, la femme-artiste n’est jamais bien loin.
Alors, est ce son enfance de petite fille qu’elle évoque? Est-ce nos propres souvenirs d’enfance qu’elle nous renvoie? Ces images qui nous touchent, qu’évoquent elles en nous ?
Il y a du Lewis Caroll dans ce qu’Elle nous propose, car, comme Alice aux pays des merveilles, Eve traverse le miroir: la technique du monotype renvoyant à l’artiste des images inversées.
Ce procédé consiste à poser le verso d’une feuille de dessin sur un plaque encrée et à dessiner sur le recto, appuyant plus ou moins fort, sans voir le résultat, créant ainsi une impression , dans les deux sens du terme
Cette technique enrichit notre perception: le contraste entre le dessin net, rigoureux sur une matière poétiquement irrégulière, floue, évoque l’idée de souvenir, tantôt précis, tantôt prêt à disparaitre;
De même, le focus sur des fragments de corps suggère la mémoire, parfois attachée à un détail, parfois oublieuse.
Il y a enfin les poses choisies, insolites, sortes d’instantanés photographiques que la petite fille nichée en elle vient lui chuchoter à l’oreille, lui soufflant des chorégraphies, des attitudes, des gestes… intimité captée.
Cet art demande de la maitrise et en même temps, une grande réceptivité au hasard.
Il demande de la méthode, du soin, de la rapidité : l’encre sèche vite.
Il demande enfin des capacités d’anticipation sur un résultat qu’on ne voit pas.
Le travail d’Eve nous parle de l’innocence, du souvenir, il nous parle de la nostalgie d’un paradis perdu… ou peut être jamais trouvé;
paradis évoqué par Baudelaire
« Mais le vert paradis des amours enfantines,
L’innocent paradis, plein de plaisirs furtifs,
Est-il déjà plus loin que l’Inde et que la Chine ?
Peut-on le rappeler avec des cris plaintifs »
Il y a un mot qui peut qualifier ces images, c’est le mot évanescence (« propriété de ce qui s’évanouit, s’efface »), curieusement ne contient il pas « Eve » et « naissance » ?
Bernard Loubert